Histoire de chaises
Nous reproduisons cet article issu des travaux de Mme Soulignac concernant les chaises de l’église de Saint-Paul et leur histoire. Texte publié en 1993 dans les Cahiers Historiques.
La révolution ayant apporté toutes sortes de bouleversements, Napoléon essaya de ramener l’ordre en France dans tous les domaines.
En ce qui concerne l’Eglise différentes mesures ont été prises et notamment la création des Conseils de Fabrique dans chaque paroisse Décret Impérial du 30 décembre 1809. C’est pourquoi, à Saint-Paul, le 4 avril 1811, à la maison presbytérale sont réunis :
M. François Julie, prêtre, Geoffroy Jarri de Lille, maire tous deux membres de droit du Conseil de Fabrique.
Jean Léonard Dalesme d’Aigueperse et Barthélémy Imbert, aîné, nommés membres de la même Fabrique par Monsieur Le Préfet, suivant sa lettre du 26 octobre 1810.
Jean-Baptiste Navières de la Boissière, Etienne Fougeras Lavergnolle, Charles François Bruchard de la Pomélie, nommés par Monseigneur l’Evêque, suivant sa lettre du 4 novembre 1810.
Les Membres et Conseillers de la Fabrique devaient se réunir au moins une fois l’an pour examiner les comptes des recettes et dépenses de la paroisse. Entretien des bâtiments de toutes sortes : église, clocher, maison presbytérale, cimetière, etc… et, dans l’église même tout était à remettre en ordre : objets du culte et ornements, statues, vitraux et même chaises et bancs.
On sait ainsi qu’en avril 1819, deux bancs ont été faits pour l’église par Jean-Baptiste Valière, menuisier, pour la somme de 18 francs. Un serait pour la Fabrique, l’autre pour la Municipalité. Ce sont ceux qui sont encore dans le chœur de l’église. Faits pour l’emplacement qu’ils occupent, ils sont solides en chêne noirci par le temps, l’encaustique et les cierges. L’un à six places, l’autre quatre ayant été raccourci. A dossier droit, plein, de 5.5 cm d’épaisseur, ils mesurent respectivement 3.90 m de long et 2.60 m pour 1.40 m de hauteur totale. Ils sont divisés par des accoudoirs – chaque place mesure 0.56 m de large pour 0.32 m de profondeur à 0.42 du sol – les pieds extérieurs sont massifs, carrés, avec les côtés chanfreinés, les quatre pieds intérieurs sont ou carrés ou rétrécis dans le bas. Chaque place a son dossier particulier avec un bandeau rectangulaire allongé à la hauteur de la tête et un autre carré au-dessous. Le bandeau supérieur du banc est d’une pièce : 3.90 m. On est bien assis.
La nef reste vide, mais peu à peu chacun apporte sa chaise et même l’y laisse. Beau sujet de disputes ! Un membre du Conseil de Fabrique propose alors, à la réunion de 1er janvier 1821, de fixer le prix d’une chaise, pour l’année, à 1 franc, ce qui est adopté. Ce prix sera porté à 1.50 franc en janvier 1827.
Quatre autres bancs, plus simples que les premiers puisqu’ils ne coûtent que 8.20 francs, planches et façon, sont posées en 1829. Sans doute pour ceux qui n’avaient pas leur chaise et ne pouvaient rester debout durant tout l’office.
Au 31 décembre de chaque année on payait sa ou ses chaises. M. d’Aigueperse en avait trois, ainsi que M. Ardant qui paya même 13.50 francs en juin 1830 pour les arrérages de ses chaises. M. Navière Durieupeyroux et Mme Moufle en avaient deux. Les autres se contentaient d’une, c’était MM. Dorat, Imbert, Nicot, Duboys, Mme Guérin du Moulin et les nièces du Curé Chassaing, puis les 1.50 franc de la boulangère, de la Jeannette du bourg (qui est l’aubergiste), de Jeanne Demaison, de Pétronille Marquet, de Mme de Bruchard, Mme Navière de la Boissière, M. Guérin, jeune, Jeanne Chabrier, etc… M. Boudet de Gentaud paie 5 francs la chaise de « Mme son épouse » à partir de 1833.
Au fil des années le nombre de propriétaires de chaises augmentent et les autres voudraient bien s’asseoir pendant les offices, aussi le 22 mars 1835 est procédé à l’adjudication d’une ferme des chaises de l’église au plus offrant. C’est Antoine Calet, fossoyeur, qui l’emporte pour 37 francs par an et pour 5 ans. Les personnes qui fournissent leurs chaises ne paient que 1.50 franc comme auparavant – les autres abonnements seront à la volonté du fermier qui ne devra pas prendre au-delà d’un sol par chaises et par personne – aux non abonnés qui assisteront aux offices.
Il faut croire que l’affaire était bonne car en 1844 la veuve Calet payait toujours la ferme des chaises, puis une marguillière prit la suite pour ces « chaises roulantes ». Les prix ne bougeront pas jusqu’en 1855.
Peu à peu les habitués de l’église eurent leur propre chaise avec souvent leur nom gravé dans le bois ou sur une plaque de cuivre et une chaisière n’oubliait pas de réclamer son dû à toutes personne étrangère et ce jusqu’à la guerre de 1939 environ.
Et maintenant qui paie les chaises et leur entretien ?
Madame Y. SOULIGNAC