Michel VIGNERON
« Notre famille était une famille d’agriculteurs, puis peu à peu nous nous sommes tournés vers le négoce après guerre. D’abord avec la région de Lyon et Saint-Étienne, puis l’Italie. »
Les habitudes alimentaires ne sont en effet pas les mêmes d’un endroit à l’autre, ce qui influence le commerce. En Limousin, on mange de la vache, du bœuf ou du veau. Peu de broutard ou taurillon, c’est-à dire-de jeunes bovins mâles non castrés, élevés pour produire de la viande ou faire un reproducteur. Ce sont surtout des morceaux de viande à cuisson lente que l’on trouvera dans ces animaux et qui se trouvent aujourd’hui souvent dans les rayons boucherie des grandes surfaces.
« Au début, c’est des wagons qui convoyaient les bêtes. Avec quelques autres négociants on constituait des convois de wagons aménagés, à la gare de Pierre-Buffière. Les camions ne sont apparus qu’ à la fin des années 70. Avec des carrosseries de camions italiens aménagés en bétaillères... »
Ah ! les carrosseries Italiennes…
En fait, c’est le développement économique italien d’après guerre qui a développé ce commerce plutôt pionnier. L’ Italie est un pays de céréales, pas d’élevage. Donc ils cherchaient à acheter des bêtes de bonne qualité « à finir », c’est-à-dire transformer leurs céréales en viande.
« Mais avec les Italiens, le commerce a toujours été bon enfant. Nous, on achetait les bêtes dans les fermes limousines. Les acheteurs italiens étaient de petites exploitations, groupées en coopératives. Ils venaient en France et on allait les voir. Pour le contrat, on tapait dans la main. Par contre c’était très prenant, il fallait voyager. A cette époque les transactions s’effectuaient toutes en liquide, qu’il fallait avoir sur soi. C’était pas toujours très rassurant. »
Mais bon, l’Italie, quand on parle de commerce, ce n’est pas forcément aux carrosseries et aux coopératives qu’on pense au premier abord…
« Une fois, on a un wagon qui a disparu vers Naples… »
Cette fameuse magie italienne sans doute…
« Il faut être prudent, mais avec le temps on connaît les partenaires… et par conséquent, ceux qu’il vaut mieux éviter. »
Marié, père, il faut aussi trouver un peu de temps pour s’investir dans la vie communale comme conseiller municipal. « J’ai fait les 3 premiers mandats de M. Roux. Mais bon, je n’étais pas un conseiller très présent…" On aurait pu s’en douter puisque l’entreprise prospère au fil du temps, pour devenir l’une des plus importantes du secteur :
« En moyenne, c’est 20 000 bêtes par an. C’est plutôt stable. On a aussi travaillé avec l’Espagne, la Grèce ou la Turquie. Néanmoins, c’est plutôt marginal dans notre activité. Et là, le contrat c’était pas qu’une poignée de main… »
L’essentiel de l’activité reste centré sur l’Italie et la création de la société EUROFRANCE il y a 20 ans, se fait avec un capital moitié italien et moitié français. Cela demande donc d’être vigilant :
« Il faut surveiller toute la chaîne, des éleveurs jusqu’ à l’acheteur, en passant par l’abattoir et la boucherie. Si l’un des éléments commence à vaciller, il met en danger tout l’équilibre et chacun des acteurs. Alors, quand vous faites partir un wagon ou un camion en espérant être payé 3 semaines plus tard, il y a des nuits où vous ne dormez pas forcément très bien… C’est des sommes conséquentes qui sont en jeu. »
2016 sonne l’heure de la retraite et la société doit trouver un repreneur.
« Le plus compliqué à ce moment-là c’est de trouver le bon acheteur. Celui qui reprendra le personnel et l’activité. C’est le souhait de tout artisan ou commerçant qui cède son commerce. On n’ a pas envie qu’il disparaisse. C’était une bonne part de notre vie mais, au-delà de l’entreprise, ce négoce fait aussi travailler des éleveurs du secteur et il y a une petite dizaine de salariés, dont la moitié de Saint-Paul. La société continue donc la même activité et dans les mêmes conditions sous le nom de SAS WEBER »